L’association Vergers Urbains a été créée en 2012 dans le 18ème arrondissement de Paris par un collectif ayant pour but de rendre la ville comestible, par un large éventail de modes d’action. Les fondateurs de Vergers Urbains sont investis pour la plupart dans le mouvement des « villes en transition » et la permaculture. Ils ont eu la volonté de sortir du monde souvent clos des jardins partagés pour investir plus largement l’espace public ou d’autres espaces collectifs.
L’arbre fruitier est considéré par l’association comme le meilleur outil pour transformer le regard des citadins sur l’environnement urbain et susciter une réappropriation de la ville par le plus grand nombre. L’arbre n’est jamais isolé, il est parfois un prétexte, ou un vecteur, pour questionner sur la nature en ville, l’alimentation, ou le rôle des communs. Avec une très faible emprise au sol, il a un fort impact à la fois sur l’espace (le cadre de vie), sur l’écosystème urbain (lutte contre les îlots de chaleur urbains, augmentation de la biodiversité, captation du carbone, création de biomasse etc.), sur la santé (production saine et locale) et sur les liens sociaux.
Plus que tout autre arbre, les arbres fruitiers sont générateurs d’interactions entre les citadins. Ils provoquent des moments de convivialité autour de leur plantation, des récoltes, de la cuisine ; ils permettent de sensibiliser les habitants sur la question d’une alimentation saine et locale ou encore d’apprendre diverses techniques horticoles telles que la taille ou la greffe fruitière.
Afin de mettre en valeur les bénéfices que portent les arbres fruitiers, l’équipe de Vergers Urbains rassemble des compétences diverses : paysagisme, urbanisme, architecture, agronomes, jardinage, animation. L’association compte plus de 200 projets réalisés ou en cours, avec au cœur de sa démarche l’implication des habitants. Implication nécessaire à la pérennité de nombre des projets. Ainsi, les séances de mobilisation, de co-conception et d’animation permettent aux citadins de se réapproprier l’espace public et se reconnecter avec leur environnement.
Nous adaptons le choix des formes en fonction des contextes et du degré d’implication des personnes concernées, qui seront amenées à en prendre soin.
De part les contraintes propres au contexte urbain, les formes jardinées sont considérées comme les formes les plus adaptées pour amener l’arboriculture au cœur des villes. Ces contraintes sont liées à l’exigüité des espaces qui ne permettent pas le développement d’arbres fruitiers de plein vent. Les arbres sont souvent contraints par la faible épaisseur de substrat qui ne permet pas d’accueillir d’arbres présentant un grand développement. Il faut noter que les cultures fruitières sont moins contraintes par la pollution des sols que les cultures maraîchères ou aromatiques. Les polluants se concentrent principalement dans les troncs, les racines, ou les feuilles et atteignent rarement les fruits.
De par leur faible développement, les arbres fruitiers palissés ont capacité à investir les espaces urbains résiduels, les entre deux. Aidé par les mains de l’homme, l’arbre fruitier peut adapter ses formes, pour rendre l’architecture vivante, s’intégrer au plus près des façades, sur les balcons, les terrasses, les toits. Plus qu’une confrontation antagoniste entre espace cultivée et espaces bâti, il s’agit d’une interaction créative et productive, une réconciliation ville nature.
Ils permettent ainsi de répondre à un fort engouement de végétalisation des bâtiments. Si les plantes grimpantes sont souvent utilisées pour la végétalisation des façades, les fruitiers palissés sont rarement utilisés, faute de connaissances. Alors qu’ils ont capacité à s’intégrer contre les murs (voir l’exemple des murs à pêche.) Ils peuvent par ailleurs parfaitement s’intégrer au sein de micro-ecosystèmes comestible, en bacs ou en pleine terre, pouvant prendre la forme de forêts fruitières, où l’arbre fruitier est au centre. Sa forme peut s’adapter à la configuration de l’espace disponible. Il peut être colonnaire lorsque l’espace est restreint et ainsi combiner productivité et intérêt esthétique. Les formes en cordon pourront permettre de délimiter, guider, tout au long des cheminements sans créer trop d’ombrage.
Les formes palissées peuvent facilement s’intégrer au sein des trames vertes et bleues pour amener l’arbre au plus près des bâtiments. C’est la logique du dernier kilomètre : seul l’arbre fruitier en formes jardinées peut venir au contact des bâtiments (comme les anciens ‘poiriers de façade’) et répondre à la crainte de la proximité des arbres de plein vent, avec leurs racines menaçantes ou leur ombrage excessif.
Les formes jardinées font partie à la fois du patrimoine architectural et du patrimoine paysager. Elles sont le symbole d’une co-évolution entre production agricole et ville. Symbole qui peut inspirer un retour d’une arboriculture de proximité, ou plus généralement du renforcement des liens entre ville et agriculture et l’émergence d’une ville comestible, jardinée.
Pour faire face à la perte des savoir-faire et au manque de connaissance concernant ces formes, Vergers Urbains développe diverses formations (taille fruitière, greffe, …), destinées tant au monde professionnel qu’au grand public. Nous mettons par ailleurs en place plusieurs lieux ressource permettant la diffusion des pratiques, ainsi que des pépinières permettant de diffuser des variétés locales, avec les porte greffe les plus adaptés à l’espace urbain. C’est le cas du verger de Fleury, du site des Fermiers Généreux, de Commun Jardin, ou prochainement le site de la rue Mathis (projet le Terrier).
C’est pour mieux faire connaitre et diffuser ces pratiques et ces savoirs que nous soutenons l’initiative visant à inscrire l’arboriculture fruitière en forme jardinée au patrimoine immatériel de l’Unesco. Nous souhaitons permettre tant une préservation des formes et des espaces actuels qu’une réactualisation des pratiques, en accord avec les enjeux urbains et environnementaux actuels et dans la dynamique de développement de l’agriculture urbaine et l’intégration du végétal nourricier en ville. L’appel à ces formes devient de plus en plus justifié pour inscrire le patrimoine nourricier en harmonie avec l’espace bâti, mais le potentiel de ces formes, dans toute leur diversité est encore trop méconnu.